Article original
Caractéristiques des personnes alcoolodépendantes incarcérées en maison d’arrêtCharacteristics of alcohol-dependent male inmates

https://doi.org/10.1016/j.respe.2008.03.115Get rights and content

Abstract

Objective

The objective of this study was to compare social and penal characteristics and consumption of psychoactive substances by alcohol-dependent and non-dependent inmates of the Lyon's prison in 2004.

Methods

The study was carried out among 2033 male adults incarcerated between January 1st and December 31st 2004. An administered questionnaire was proposed during the arrival visit to record social, administrative and penal data. Use of tobacco, alcohol and illicit drugs was quantified.

Results

In all, 1898 questionnaires were analysed. Comparison between alcohol-dependent (n = 356) versus non alcohol-dependent inmates (n = 1542), revealed that the alcohol-dependent population was older, mean age (34 years old versus 30 years, p < 0.001), and had a higher unemployment rate (50% versus 39.4%, p < 0.001). Alcohol addicts were more often repeated offenders (62% versus 50.7%, p = 0.001), had a higher rate of Subutex mixture (11% versus 3.2%, p < 0.001) and presented more psychic suffering (21% versus 6%, p < 0.001). Multivariate analysis identified use of psychotop drugs, use of psychoactive substances, age and familial situation as significantly and independently associated with the abusise alcohol consumption.

Conclusion

Because of an elevated prevalence of alcohol dependence among arriving penitentiary inmates, effective screening is needed to prevent withdrawal syndrome and propose care adapted to the specific features of this dependent population: social insecurity and polydrug abuse.

Résumé

Position du problème

L’objectif de cette étude était de comparer les caractéristiques sociodémographiques et pénales, ainsi que les consommations de substances psychoactives des personnes alcoolodépendantes et non alcoolodépendantes incarcérées à la maison d’arrêt de Lyon en 2004.

Matériel et méthode

L’étude portait sur 2033 adultes masculins incarcérés entre le 1er janvier et le 31 décembre 2004. Lors d’un entretien d’accueil réalisé à l’entrée en détention, un questionnaire administré était proposé à chaque détenu. Des données socioadministratives, pénales et relatives aux consommations de substances psychoactives étaient recueillies par un membre de l’équipe du SMPR.

Résultats

Au total, 1898 questionnaires ont été exploités. La comparaison des détenus alcoolodépendants (n = 356) aux détenus non alcoolodépendants (n = 1542) révélait une moyenne d’age plus élevée (34 ans versus 30 ans, p < 0,001), un taux de chômage supérieur (50 % versus 39,4 %, p < 0,001) chez les alcoolodépendants. Ils étaient également plus souvent récidivistes (62 % versus 50,7 %, p = 0,001), consommaient davantage de subutex en mésusage (11 % versus 3,2 %, p < 0,001) et présentaient davantage de souffrance psychique (21 % versus 6 %, p < 0,001). Le traitement psychotrope, les consommations d’autres substances psychoactives, l’âge plus élevé et l’isolement sociofamilial étaient significativement et indépendamment associés à la dépendance à l’alcool.

Conclusion

La prévalence élevée de l’alcoolodépendance à l’entrée en détention impose un dépistage efficace afin d’éviter la survenue d’un syndrome de sevrage. Une prise en charge pourra alors être proposée aux consommateurs dépendants, adaptée à leurs caractéristiques spécifiques : précarité sociale, polytoxicomanie.

Introduction

La population carcérale est fortement concernée par les problèmes d’addiction [1], [2], [3], [4], [5], [6]. Néanmoins, la fréquence de l’alcoolodépendance chez les personnes entrant en détention reste mal évaluée et de ce fait, moins prise en charge que les autres addictions [7].

Il a été créé dans 26 maisons d’arrêt en France des services médicopsychologiques régionaux (SMPR) [8], [9], un des objectifs de ces structures était de mieux coordonner et d’améliorer la prise en charge des détenus consommateurs de substances addictives. Depuis 1986, 16 d’entre eux bénéficient en leur sein d’un centre spécialisé de soins aux toxicomanes (CSST) [8], [9], [10]. Ces structures ont pour vocation l’accueil, le dépistage et le suivi des personnes présentant un problème de dépendance, ainsi que le recueil de données épidémiologiques. Les études portant sur les conduites addictives dans les populations carcérales soulèvent majoritairement la problématique des consommations de produits illicites [4], [6] et peu celle d’alcool [11]. La consommation d’alcool reste souvent au second plan [7], banalisée ou masquée par les consommations associées, alors qu’elle nécessite une prise en charge adaptée et parfois urgente. Cependant, la problématique alcoolique semble être désormais davantage prise en compte. L’offre de soins en alcoologie, qui était très insuffisante en 1997 (seuls deux établissements pénitentiaires en France proposaient une prise en charge spécialisée), s’est considérablement accrue suite à la note interministérielle du 9 août 2001 [12], [13], [14], [16]. De plus, la mise en place actuelle des centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA), qui réunissent les CSST et les centres de cure ambulatoire en alcoologie (CCAA), permettra de mieux coordonner la prise en charge de toutes les addictions, indépendamment du produit incriminé [15].

À Lyon, depuis 2002, chaque personne incarcérée à la maison d’arrêt bénéficie dès l’entrée d’un entretien d’accueil réalisé par un membre du SMPR ou du CSST afin de dépister les troubles psychiques et les conduites addictives. Cela permet ensuite de proposer à chaque détenu une prise en charge appropriée.

L’objectif de cette étude était de comparer les caractéristiques sociodémographiques, pénales et les consommations de substances psychoactives (SPA) des détenus alcoolodépendants et non alcoolodépendants incarcérés dans la maison d’arrêt de Lyon en 2004.

Section snippets

Matériel et méthode

La population prise en compte dans cette étude incluait l’ensemble des hommes majeurs entrant en détention à la maison d’arrêt de Lyon entre le 1er janvier et le 31 décembre 2004 qui ont bénéficié de l’entretien d’accueil. Les détenus transférés vers un autre établissement ou hospitalisés dès leur incarcération n’ont, de ce fait, pas pu bénéficier de cet entretien.

Les intervenants réalisant l’entretien d’accueil étaient des personnels formés du SMPR ou du CSST : infirmiers psychiatriques,

Résultats

Sur l’année 2004, 2583 détenus majeurs ont été incarcérés à la maison d’arrêt de Lyon. Parmi eux, 78,7 % ont pu bénéficier d’un entretien d’accueil avec le SMPR, soit 2033 détenus ; 2025 questionnaires ont pu être exploités (99,5 %). Parmi ces 2025 questionnaires, 1898 présentaient les données concernant la consommation d’alcool.

Les caractéristiques sociodémographiques et pénales des 1898 détenus sont représentées dans le Tableau 1.

Discussion

La population rencontrée à la maison d’arrêt de Lyon paraît semblable à la population incarcérée en France [2], [20]. Le profil démographique et social de cette population est très différent de celui de la population générale [21]. Les caractéristiques sociodémographiques retrouvent une population globalement plus jeune que la population générale française et ce malgré un vieillissement récent de la population carcérale [21]. Les difficultés personnelles et professionnelles sont plus marquées

Conclusion

L’accueil des détenus présentant des addictions reste perfectible en France [13], [14], [16]. La méconnaissance des caractéristiques particulières des détenus alcoolodépendants doit inciter à un dépistage attentif de cette consommation. En effet, ces détenus semblent former une catégorie à part entière : ils ne sont comparables ni à la population carcérale générale, plus jeune, moins consommatrice de SPA, moins en détresse sociale ; ni à la population alcoolodépendante non incarcérée, plus

Remerciements

Nous remercions toute l’équipe du SMPR et de l’antenne toxicomanie de la maison d’arrêt de Lyon, ainsi que les 2033 détenus pour leur aimable participation.

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